La langue yéniche (allemand: Jenische Sprache) est le sociolecte ou cryptolecte des Yéniches, c'est-à-dire d'un groupe ethnique qui mène une vie nomade ou semi-nomade en Allemagne et dans les pays avoisinants. Les Yéniches, bien que socialement proches des Manouches et des Roms, ont une origine différente.
Cette langue est caractérisée par une grammaire allemande et par un lexique composé qui dérive ses éléments de l'allemand (surtout des dialectes de l'allemand supérieur), de l'hébreu, du yiddish (de la variante occidentale qui n'a pas encore subi l'influence slavique), et du Rom'nes (la langue des Manouches), avec un nombre mineur d'emprunts à d'autres langues européennes (surtout français et italien). Du point de vue linguistique, le yéniche par sa structure et son lexique est identique à, ou est une variante tardive de "Rotwelsch", terme traditionnel et plus ancien (attesté depuis 1250) pour désigner les variantes de l'argot des "classes dangereuses" dans les pays de langue allemande. Le nom Rotwelsch est d'ailleurs récusé par certains réprésentants des Yéniches qui le regardent comme discriminatoire et inapproprié pour ce qui, à leur avis, serait une langue propre d'origines plus nobles et anciennes, selon quelques-uns même d'origine celtique.
Le mot "Jenisch" est attesté en 1714, dans un texte qui cite "jenische Sprach" comme le nom qu'avaient donné certains criminels dans les milieux gastronomiques de Vienne à leur argot ("eine gewisse Rendens-Arth ..., welche sie die jenische Sprach nennen"), argot qui, selon ce document, leur servait à mieux cacher leurs secrets ("ihre Schelmereien desto besser zu verbergen"), et qui, à juger des autres exemples cités, n'était autre chose qu'une variante du Rotwelsch traditionnel. Comme étymologie du mot "jenisch" il y a plusieurs hypothèses , la première est celle des racines yiddish ou hébraiques (de jônêh "frauduleux", ou de jedio "science, connaissance"), l'autre de la racine tsigane džan- ("savoir, connaitre")en romani: la langue yéniche est donc la langue de ceux "qui savent", c'est-à-dire des initiés, suivant la même logique qui fit naître "Kochemerloschen" (attesté depuis le XIXe siècle, de yiddish chochom "sage, intelligent" et loschon "langue") comme un des noms du Rotwelsch.
Aux XVIIIe et XIXe siècles, le mot "jenisch" est adopté dans les documents officiels et dans la littérature criminologique comme synonyme de "gaunerisch" ou "jaunerisch" (voyou), tandis qu'en argot ce mot (avec variantes phonétiques comme "jännisch", "jähnisch", "jennisch") est attesté avec le sens "savant, intelligent" et comme auto-désignation des locuteurs et de leur parler. C'est surtout au cours de la réflexion critique sur la persécution soufferte par les Yéniches à l'époque du Nazisme et, de manière différente, dans la Suisse jusqu'aux années 1970, que le mot "jenisch" et la langue yéniche ont joué un rôle important dans les tentatives de construire ou récupérer une identité culturelle et linguistique de ce qui, dans cette perspective, apparaît comme le peuple yéniche.