Les Yéniches
Localisation et nombre
Origines
Les apatrides de Suisses
Ethnologie
Le XXe siècle
Reich allemand et période nazie
La culpabilité des Églises allemandes
L'Oeuvre des Enfants de la Grand-Route
La Suisse lors de la 2ème guerre mondiale
Le futur
Les Saintes Maries de la Mer
Einsiedeln
Linguistique
Politique
Musique
Descendants d'une tribu disparue?
Mythologie Yéniche
 

La culpabilité des Églises allemandes

Alors que les deux Églises allemandes ont été essentiellement hostiles, indifférentes ou passives envers les Tziganes jusqu'au début du XXe siècle, ou qu’elles avaient apporté leur soutien et leur miséricorde sous conditions, elles se sont rendues coupables passivement et activement pendant les douze années que dura le "Troisième Reich". Cette culpabilité est irréparable dans sa gravité, inexpiable et irrémédiable, elle prive les deux églises chrétiennes en Allemagne de toute crédibilité…

Sans que cela ne fut nécessaire, les ecclésiastiques catholiques et protestants de Bavière et d'Allemagne saluèrent avec enthousiasme l’arrivée au pouvoir des national-socialistes dans leurs sermons et dans leurs bulletins religieux. Pourtant, les précurseurs du national-socialisme s’étaient présentés comme étant des meurtrier antidémocratiques et violents.

Voici un extrait d’un sermon pascal protestant de l’année 1933: "C’est avec gratitude et joie que l'Église perçoit comment le nouvel État résiste au blasphème, comment il lutte contre l'immoralité corporelle, comment il établit la discipline et l'ordre avec une main forte, comment il appelle les gens à craindre Dieu...".

C’est à l’aide de sa propre politique ecclésiastique active, comme ce fut le cas, par exemple, lorsque le Vatican conclut un concordat avec le Reich allemand en 1933, que l’État papal aida les national-socialistes à réussir une première politique étrangère, ceux-ci étant souvent considérés avec méfiance dans les pays étrangers.

Dans cet accord souvent cité, l’Église confirma, entre autres, la dissolution du Parti du Centre catholique démocratique en faveur du régime nazi. L'influent Parti du centre catholique, qui appartenait au Pape s’était dissous sous la pression des Nazis avant même la signature du traité. Un pape romain, Pie XI, légitima ainsi l'élimination de la démocratie en Allemagne. Cet accord est le seul traité que les Nazis ont signé durant leur régime qui est encore valable, il décrit clairement les relations entre l’État et l’Église. L'éventail de ce qui a été convenu s'étend de l'impôt ecclésiastique à la pastorale militaire, en passant par l'instruction religieuse, et conduit régulièrement à de nombreuses querelles. Entre-temps, un certain nombre de règlements ont été remplacés par des lois étatiques, dont certaines ont également été remises en question. Pourtant, personne ne veut se débarrasser de ce contrat. "Ni l'Église ni l'État n'ont intérêt à lancer un tel débat", estime l'historien de Potsdam Thomas Brechenmacher.

Les 34 articles sont un mélange de fondements et de détails. La "liberté de confession" et le droit de l'Église catholique "d'organiser et de gérer ses affaires de manière indépendante" sont manifestées. L'inventaire des facultés de théologie, des écoles confessionnelles, des ordres et des fondations est garanti. Mais un serment d'allégeance des évêques au Président du Reich et une prière dominicale pour le bien-être du Reich allemand et de son peuple sont également exigés.

Le Vatican voulait principalement protéger les prêtres et les associations catholiques. En retour, il accepta qu'ils n'aient plus le droit d'être politiquement actifs - une des principales revendications d'Hitler.

Cependant, l'Église catholique n'a pas été protégée comme elle l'avait espéré. Dans les années qui ont suivi, les Nazis ont fait condamner des prêtres et des évêques pour des infractions contre les devises et contre la morale, ils ont interdit les organisations de jeunesse et ils ont fermé des écoles confessionnelles. Les Nazis ont poussé l'Église catholique "successivement vers un christianisme de sacristie", juge aujourd'hui le théologien Christoph Kösters de Bonn.


La complicité dans l’identification des Tziganes

Mais les choses allaient s'aggraver, les national-socialistes se sont rapidement demandé comment ils leur serait possible d'identifier les Tziganes. Bien qu'ils aient pu s'appuyer sur des dossiers conservés pendant des décennies par la police et par les bureaux d'enregistrement des habitants - en Bavière, par exemple, tous les Voyageurs étaient systématiquement enregistrés et surveillés depuis 1899 - ils se sont vite rendu compte que ces dossiers n'étaient pas suffisants pour atteindre les objectifs du programme d'extermination national-socialiste.

Alors, afin de pouvoir effectuer leur sélection parmi les Allemands aussi efficacement que possible, les nationaux-socialistes eurent besoin de vieux documents, tels que des registres de baptême et de mariages. C’est uniquement sur cette base que l’on pouvait identifier ceux qui pouvaient être classés dans la catégorie «aryenne» et ceux qui pouvait être classés dans la catégorie «inférieure sur le plan racial» (Tziganes et Juifs).

L'office du Reich pour les recherches sur les clans, les tribus et les familles (La Reichsstelle für Sippenforschung) s'était fixé comme objectif d'identifier également les métis-Tziganes". Cela touchait aussi bien des moitié-tsiganes, que des gens qui avait un quart, voire un huitième de sang tzigane. Comme les dossiers de l'État ne remontaient souvent pas assez loin ou étaient incomplets, les Églises protestantes et catholiques sont venues en aide et se sont ainsi rendues complices de la politique d'extermination nationale-socialiste.

Les registres paroissiaux étaient généralement les seuls documents à partir desquels l'origine des paroissiens était évidente, notamment avant l'instauration du mariage civil en 1875.

Les deux églises chrétiennes allemandes donnèrent volontairement leur accord pour l’utilisation de leurs registres pour la recherche raciale; Les protestants bavarois le firent dès février 1934, bien que ce ne fut qu’en 1940 que le ministre du Reich pour les affaires religieuses obligea officiellement les Églises à coopérer avec la police criminelle et avec le centre de recherche tzigane. Les Églises agirent donc sans qu’elles en eurent la nécessité, selon le principe de l'obéissance par anticipation.

En 1935, les "lois de Nuremberg" prévoyaient l'élimination des Juifs de la vie économique allemande et la discrimination raciale contre les non-Aryens, mais les Yéniches, les Sintés et les Roms n’y étaient pas encore cités. Mais bien vite, un circulaire fut publié, celui-ci interdit les "mariages raciaux mixtes", et les Tziganes y furent cette fois explicitement mentionnés. Le journal du clergé catholique bavarois du 22 janvier 1936 loua ces mesures "pour la préservation et le renouvellement du sang allemand" et démontra ainsi sa propre capacité à diffuser la propagande nazie.

En octobre 1936, Robert Ritter, directeur du RHF, le Centre de recherche sur l'hygiène raciale du bureau de santé du Reich (Rassenhygienische Forschungsstelle am Reichsgesundheitsamt), envoya une circulaire à tous les pasteurs allemands leur demandant de lui envoyer des extraits des registres de famille dans lesquels figuraient des familles tziganes. On ne sait rien d'une éventuelle résistance ou d'un refus du clergé aux autorités lors de la remise des documents en question.

Robert Ritter, connu pour les recherches qu’il menait sur les Tziganes remercia plus tard certains responsables d’églises protestantes et catholiques pour leur coopération fructueuse qui avait coûté la vie à des centaines de milliers de personnes.

Le RHF, dirigé par Robert Ritter et son adjointe Eva Justin, avait pour tâche d'identifier et d'enregistrer les Tziganes sur la base d'études raciales nazies pseudo-scientifiques. Avec l'aide des données de l'église, des fichiers de la police et des archives, le RHF a produit plus de 20'000 avis d'experts en matière de race au cours des années suivantes et a ainsi ouvert la voie à la déportation et à l'extermination de la plupart des personnes touchées. Soit dit en passant, pas un seul employé du RHF n'a été poursuivi en vertu du droit disciplinaire ou pénal après l'ère nazie et beaucoup ont pu poursuivre avec succès leur carrière universitaire en République fédérale d'Allemagne.


Le silence sur les déportations

En mars 1937, le Vatican publia l'encyclique "Mit brennender Sorge" ("Avec une inquiétude brûlante") sur la situation de l'Eglise catholique dans le Reich allemand, écrite par le Pape Pie XI et son adjoint Eugenio Pacelli. Le papier ecclésiastique critiqua les mesures antireligieuses du régime nazi, mais ne remit pas en question ce dernier.

Le sujet de la race ou de la persécution pour des raisons raciales ne fut que très brièvement thématisés - les Tziganes, ainsi que les Juifs, qui furent les plus persécutés, ne furent même pas mentionnés. Même la doctrine raciale, qui méprisait pourtant tout enseignement chrétien, n'a pas été critiquée. L'appel des responsables d'église à la jeunesse allemande de rejoindre la nouvelle Allemagne (= nazie) semble très étrange. Cela était très proche d'un engagement de l'église envers le régime hitlérien. Enfin, il convient de noter que les auteurs du document ont utilisé le terme "communauté nationale", qui excluait par définition les Tziganes ou les Juifs. En 1937 également, alors que les persécutions des deux minorités battaient leur plein, le cardinal bavarois Michael von Faulhaber a répondu aux demandes d'intercession ou d'intervention contre la persécution des personnes "non-Aryennes" par la phrase "Il est temps de garder le silence".

Conformément à cet ordre du sommet, la grande majorité du clergé catholique en Bavière s'y est conformé. Aucun d'entre eux n'a eu le courage moral de prêcher contre la persécution des Tziganes ni même de se déclarer solidaire des Tziganes. D'ailleurs, la peur personnelle a joué un rôle plutôt subordonné - Le fait est que le clergé, haut et bas, partageait surtout avec la majorité des Bavarois et des Allemands du racisme et de l'aversion envers les Tziganes.

Cela devint trop évident sur un sujet qui était et qui est toujours si important pour l'Église catholique - le contrôle des naissances. Lorsque l'État nazi décida en 1937 de stériliser les "Tsiganes de race pure" et commença immédiatement à appliquer cette décision, l'Eglise catholique garda le silence. Le sort des Tziganes lui était totalement indifférent.

Lorsqu'en 1938, à l'initiative de l'évêque de Berlin, Konrad Graf von Preysing, originaire de Bavière, une "organisation de secours à l'ordonnance épiscopale de Berlin" fut créée pour aider les catholiques affectés par les "lois de Nuremberg", les Tziganes. comme on pouvait s'y attendre, ne furent pas parmi leurs clients.

Lors de la Nuit de cristal du Reich ("Reichspogromnacht") du 9 novembre 1938, menée depuis Munich et dirigée contre les Juifs, les Tziganes ne faisaient pas encore partie des personnes touchées. Cependant, le "Runderlass" (décret circulaire) de Himmler sur la lutte contre la plaie tzigane, publié un mois plus tard, était tout à fait dirigé contre eux et les touchait de plein fouet. Les deux événements, la Nuit de cristal et le "Runderlass", ont apparemment été approuvés par les deux églises allemandes, parce que leurs dirigeants les ont ignorés et se sont couverts dans le silence.

Même les persécutions systématiques de groupes de "Tsiganes", qui commencèrent au printemps 1939 et entraînèrent des centaines de déportations vers les camps de concentration de Dachau et de Ravensbrück, ne laissèrent pas d'impression notable sur les églises d'Allemagne.

Le silence de l'église n'a été rompu qu'après le début de la guerre (le 1er septembre 1939) ou après la conquête de la Pologne, que les chefs des églises protestantes et catholiques de Bavière, Meiser et Faulhaber ont célébrée avec des sermons d'action de grâce ("victoire de Dieu") et de joyeux carillons. Après cela, bien sûr, les parties se sont à nouveau entendues pour ne plus prendre la parole.

Les conséquences du "décret d'Auschwitz" de Himmler de décembre 1942, par exemple, qui a entraîné la déportation de dizaines de milliers de Tziganes de onze pays européens vers Auschwitz, n'ont donné aucune raison à un seul haut dignitaire religieux protestant ou catholique du Reich allemand de réagir d'une manière qui puisse être décrite comme humaine.

Le régime nazi n'était pas du tout omnipotent. La résistance aurait pu et avait pu changer quelque chose, comme le montrent deux exemples.

Ainsi, en octobre 1934, les national-socialistes déclarèrent l'évêque protestant de Bavière, Hans Meiser, comme étant destitué. Cependant, ils ont dû le réintégrer peu de temps après à cause de violentes protestations venant de larges cercles de chrétiens protestants.

Ensuite, au printemps de l'année de guerre 1941, quelques mois avant l'attaque allemande contre l'Union soviétique, alors que de violents combats se déroulaient dans d'autres endroits: Le Gauleiter de Bavière, Adolf Wagner, nazi convaincu et opposant religieux, ordonna que tous les crucifix des écoles de Munich soient remplacés par des "tableaux contemporains" (portraits du "Führer"?). Le régime n'a pas pu faire face à la tempête de protestations qui a suivi, Hitler lui-même a dû annuler le décret du crucifix et les croix ont été remises à leur place d'origine.

À ce stade, la question purement rhétorique est posée: que se serait-il passé si la population majoritairement catholique de Bavière s'était battue avec autant de passion contre la suppression de personnes en chair et en os (Tziganes et Juifs) de la même façon qu'elle s'est battue contre le retrait d'un symbole en bois (?). Tout au long de la guerre, un réseau de prêtres et de religieux a fourni au Vatican certaines des informations les plus précises sur les déportations et l'extermination humaine commises par les Allemands dans les camps de concentration qu'ils avaient érigés en Europe de l'Est.

Le 9 mars 1942, par exemple, Burzio, le nonce pontifical en Slovaquie informa les dirigeants de l'Église de Rome de la déportation de 80'000 personnes vers la Pologne - ajoutant, "cela signifie pour la plupart une condamnation à mort certaine". Néanmoins, le Vatican a maintenu sa position officielle jusqu'à la fin de la guerre: il ne serait pas possible de confirmer des informations sur la "solution finale", et les rapports sur les informations faisant état de massacres commis par les allemands étaient "exagérés".

Même en tant qu'évêques individuels (non allemands), comme en mai 1942, quand l'archevêque de Zagreb, Aloys Stepinac, chef de l'Eglise catholique de Croatie, dénonça le génocide allemand dans un sermon devant plusieurs milliers de fidèles ("Toutes les races et tous les peuples ont été créés à l'image de Dieu... l'Église a donc critiqué dans le passé et critique actuellement tout acte injuste et violent commis au nom de la classe, la race ou de la nationalité". Il est interdit d'exterminer les Tziganes et les Juifs sous prétexte qu'ils appartiendraient à une race inférieure"),mais le Pape, Pie XII, (Eugenio Pacelli), resta imperturbable et silencieux.

À l'instar de Mgr Stepinac, le cardinal polonais Hlond, l'évêque français Delay et l'évêque autrichien Gföllner ont également suivi leur conscience et fait appel aux sentiments humains communs, à la civilisation, à l'éthique. Comme l'évêque croate qui avait parlé avant eux, ils se sont heurtés à un silence papal choquant, effrayant, voire glacial. L'alliance trop évidente que les États pontificaux ont dû conclure avec les Allemands ne pouvait être ébranlée, ni même brisée.

L'évêque de Berlin, comte de Preysing avait demandé à Pie XII en 1943 d'intervenir contre le massacre des Juifs (les Tziganes n'avaient même pas été mentionnés par Mgr Preysing), il reçut comme réponse papale qu'une condamnation publique de l'extermination des Juifs ne recevraient aucune attention, et la déclaration des évêques allemands selon laquelle les "autres races" devaient être traitées humainement était déjà suffisante et qu'elle agira pour qu'ils soient traités (avec le haut clergé allemand) avec respect par la communauté mondiale, après la guerre.


En mai 1943, les Tziganes, qui devaient être déportés du Reich allemand à Auschwitz, adressèrent une requête désespérée et vaine au cardinal Adolf Bertram, président de la Conférence épiscopale (catholique) et chef des catholiques allemands: "L'extermination systématique de notre tribu est en cours... Pour toutes ces raisons, nous considérons qu'il est humainement impératif de faire connaître ces événements et de demander une intercession et un examen. Tous les Tziganes d'Allemagne le supplièrent (Bertram) de faire quelque chose au nom de l'épiscopat, "car si notre Église catholique ne nous protège pas, nous sommes exposés à une mesure qui méprise moralement et légalement de toute humanité. Nous soulignons ici qu'il ne s'agit pas de familles individuelles, mais d'environ 14'000 membres catholiques de l'Église catholique romaine, et par conséquent notre Église catholique ne peut les ignorer." D’autres lettres similaires ont aussi étaient envoyées par les Tziganes aux membres de l’Église.

Bien que ces documents aient été publiés en 1995/1996, jusqu'à présent, au 21e siècle, l'Église catholique allemande n'a pas été en mesure de reconnaître pleinement l'immense culpabilité de Bertram, ni la sienne.

L'archevêque de Fribourg, Mgr Conrad Gröber, qui avait reçu une requête similaire, en a transmis une copie au cardinal Bertram et à Mgr Heinrich Wienken, qui ont agi comme négociateur auprès des organismes de l'État au sein de la Conférence épiscopale. Dans sa réponse à Mgr Gröber, Mgr Wienken parlait d'un cas isolé et ne voyait aucune possibilité d'œuvrer pour mettre fin aux déportations. "En mai 1943 au plus tard, cependant, il devait être clair pour les responsables de la Conférence des évêques allemands qu'il ne s'agissait nullement de cas isolés, mais plutôt d'une politique d'extermination organisée selon le plan de l'État nazi et dirigée contre tous les Tziganes.

Pendant la période nazie, en ce qui concerne l'Église catholique, ni le Vatican ni la Conférence des évêques allemands n'ont publiquement dénoncé la déportation et l'extermination des Tziganes.


En octobre 1943, le cardinal bavarois Faulhaber, l'un des plus douteux dignitaires chrétiens d'allemagne de sa génération, appelait à la poursuite de la guerre qui avait depuis longtemps été perdue pour l'Allemagne, et donc à la prolongation de la souffrance de millions de personnes à travers l'Europe. Le malheureux Bavarois, qui a donné son nom à de nombreuses rues dans plusieurs villes, craignait avant tout le communisme et formulait, entre autres choses, "Personne ne peut souhaiter en son for intérieur une issue malheureuse à la guerre. Toute personne raisonnable sait que, si l'issue était malheureuse, l'ordre de l'État et de l'Église, ainsi que tout ordre quel qu'il soit, serait renversé par le chaos russe".

Tous les clercs catholiques de Bavière et d'Allemagne n'étaient pas aussi lâches que leurs cardinaux et leurs évêques. Un plus petit nombre de prêtres et d'aumôniers allemands se sont engagés pour plus d'humanité et ont été punis pour cela, entre autres, par des séjours dans des camps de concentration. Cependant, les conditions de détention de ce groupe modeste de membres du clergé inférieur allemand n'étaient pas comparables à celles des Tziganes ou des Juifs, comme un ancien prisonnier de Dachau, le Néerlandais Nico Rost, l'a noté dans son journal de camp du 21 mars 1945: "Maintenant que je passe d'un bloc à l'autre, jour après jour, avec les listes de décès... il est clair pour moi que la faim est l'une des principales causes de la grande mort. Dans le bloc 2, où sont la plupart des Allemands: il y a presque pas de morts.... Dans le bloc 14: il y a presque pas de morts. C'est là que se trouve le personnel de cuisine... Dans le bloc 26 - le bloc clérical: il y a presque pas de morts ; pendant longtemps, ils ont reçu beaucoup de colis, et la plupart d'entre eux les reçoivent encore. Sinon, partout ailleurs : mort, mort. Ils gisent non seulement dans la rue devant la chambre mortuaire, mais maintenant aussi devant la caserne de quarantaine, nus dans la neige - souvent même enfouis sous la neige. Ils gisent aussi dans les salles de bain et dans les toilettes..."

Hitler mit fin à sa vie dans le bunker de la Chancellerie du Reich à Berlin le 30 avril 1945, avant même que la Wehrmacht allemande ait capitulé, et peu après, le "Großdeutsche Rundfunk" rapporta que le "Führer" était tombé "se battant pour l'Allemagne jusqu'à son dernier souffle contre le Bolchevisme".

Le chef des catholiques allemands, le cardinal Adolf Bertram, ordonna alors à toutes les églises de "tenir un requiem solennel à la mémoire du Führer".

Tout comme les deux Églises d'État allemandes (et bavaroises) avaient totalement échoué humainement pendant le "Troisième Reich", elles ont également échoué par la suite : Mgr Michael Buchberger, évêque de Ratisbonne, qui, dans les derniers jours du national-socialisme, avait été responsable de la mort d'un jeune prédicateur qu'il aurait pu sauver, adressa une lettre au gouvernement militaire américain afin de défendre des fonctionnaires nazis qui étaient en prison: beaucoup avaient adhéré au parti "seulement en apparence et seulement à la suite de fortes pressions" et beaucoup avaient rejoint le NSDAP de bonne foi "les Nazis construisant les bases de leur gouvernement sur les terres chrétiennes".

À peu près à la même époque, le cardinal Faulhaber et l'évêque Meiser ont adressé conjointement des requêtes à l'administration militaire américaine demandant que les anciens membres du Parti nazi et les membres SS ne soient pas condamnés globalement et que les profiteurs de guerre emprisonnés comme les banquiers ou les industriels soient libérés.

La persécution des Tziganes s'est poursuivie même après que l'Allemagne ait été libérée du national-socialisme et le gouvernement allemand a nié le génocide Tziganes pendant de nombreuses années, et les Églises protestantes et catholiques n'ont pas prêté attention au génocide des Tziganes pendant plus de trente ans, elles ne confessèrent pas leur complicité. Dans la confession de culpabilité des évêques catholiques du 23 août 1945 et dans la déclaration de culpabilité du Conseil de l'Église protestante de Stuttgart des 18 et 19 octobre 1945, les Tziganes ne sont absolument pas mentionnés.

Dans les années qui suivirent, les Bavarois catholiques, en particulier, prirent grand soin d'étouffer le fait qu'ils étaient les pères du "Troisième Reich". En 1947, par exemple, la revue jésuite bavaroise "Stimmen der Zeit" (Les voix du temps), autrefois très populaire, affirmait : "L'Église et le national-socialisme s'excluaient mutuellement dans tous leurs aspects essentiels, comme la lumière et l'obscurité, comme la vérité et le mensonge, comme la vie et la mort. En 1933, la même feuille avait encore annoncé: "La personne d'Hitler lui-même est devenue un symbole de la foi de la nation allemande en son existence et en son avenir". "le signe de la nature (= croix gammée) ne trouve son accomplissement et sa perfection que dans le signe de la grâce (= dans la croix)".

Des générations entières d'historiens bavarois complaisants ont tenté d'écrire leur histoire locale d'une manière saine, en utilisant tous les pouvoirs à leur disposition, ils furent souvent honorés de croix du mérite peu avant la fin de leur vie. Ainsi, les catholiques bavarois ne se sont jamais lassés de déformer complètement les faits en faisant passer leur Cardinal Faulhaber pour un résistant courageux et perspicace.

Les évêques catholiques allemands ont nié la responsabilité de l'Allemagne vis-à-vis de l'Holocauste, ils ont protesté contre les "procès de Nuremberg", qu'ils jugeaient "injustes", et ont milité pour des meurtriers de masse. De hauts responsables de l'église ont aidé des exécuteurs nazis comme Eichmann ou Mengele à échapper à la justice, en leur fournissant de faux passeports et en leur permettant de quitter le pays et de se cacher en Amérique du Sud. Le Vatican est intervenu en faveur des criminels de guerre condamnés ou a fait en sorte que des criminels nazis se cachent dans ses vastes possessions pour éviter leur extradition ou leur arrestation. L'un des participants de l'église de ces années, un proche confident du pape Pie XII, Alois Hudal, a même documenté son travail douteux dans un livre (Le récit de la vie d'un vieil évêque). Le futur pape Paul VI, alors qu'il s'appelait encore Monseigneur Montini et qu'il agissait en tant que bras droit de Pie XII, faisait également parti du cercle de gens du Vatican qui ont aidé les criminels.

Une fois de plus, l'Église échoua que ce soit au niveau éthique comme au niveau moral.  

En 1949, le pape Pie XII publia un décret prévoyant l'excommunication de tous les catholiques qui soutenaient activement le communisme. En revanche, Pie X n'a pas excommunié Adolf Hitler, qui était baptisé catholique, il n'a excommunié aucun des exécuteurs allemands du génocide des Tziganes ou des Juifs, ni aucun des Allemands impliqués dans l'assassinat de la population civile des pays occupés ou des prisonniers de guerre. Qu'est-ce qui aurait pu l'en empêcher?
Des gestes symboliques, mais peu d'engagement
Alors qu'en 1985, le cardinal Joseph Höffner et l'évêque Lohse, président du Conseil de l'Église évangélique en Allemagne (EKD), célébraient à la cathédrale de Cologne un service commun en mémoire des victimes de la période nazie, sans même mentionner les Tziganes. Un premier service commémoratif a eu lieu en 1988 à la cathédrale de Speyer, en souvenir des Sintis et des Roms assassinés par les national-socialistes, mais les Yéniches n'ont cependant pas été mentionnés.

Dans un message lu par le cardinal Jean-Marie Lustiger pour  la commémoration du 60e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz, le 27 janvier 2005, le Pape Jean Paul II rendit hommage aux Tziganes qui furent persécutés et exterminés.

Malgré ce geste symbolique important, le Vatican et les évêques allemands ne se sont pas clairement engagés à assumer la coresponsabilité de l'Église catholique face au génocide des Tziganes qui fut organisé par l'État nazi et particulièrement face au rôle que l'Église a joué dans la ségrégation de notre peuple et dans sa déportation dans les camps de concentration et d'extermination.

Pour les survivants de l'Holocauste et leurs familles, cette attitude ignorante de leurs églises est profondément accablante. Plusieurs membres de nos minorités se sont détournés des Église catholiques et protestantes à cause de cette douloureuse expérience.

Aujourd’hui encore, il semble que les Églises ne puissent pas encore admettre cette coresponsabilité et la tâche qui en découle.


Quelles valeurs ont des Églises qui ont ignoré pendant des siècles les plus pauvres d'entre les pauvres ou qui ont même conspiré contre eux avec les puissants? Quelles valeurs ont des Églises qui abandonnent les plus faibles de la société au moment où la menace est la plus grande? Quelles valeurs ont des Églises qui nient leur culpabilité pendant des décennies et qui, une fois que le fardeau de preuves qui leur incombe devient accablant, se montrent condescendantes à des aveux partiels? Quelles valeurs?
Marchons ensemble et construisons notre futur

Les erreurs sont humaines, les Églises sont humaines, c’est dans le dialogue que les choses avanceront, ne vous détachez pas de vos Églises, mais allez plutôt sensibiliser leurs membres et leurs représentants, afin qu’ils soient informés et puissent agir.  

En publiant ce texte, notre but n’est pas de dégoûter, de diviser, de séparer les Tziganes des Églises, bien au contraire, notre but est de faire savoir la vérité afin que chacun de nous puisse agir positivement pour que justice soit faite. Nous sommes soucieux de faire la lumière sur cette période sombre de l’histoire, mais nous ne voulons pas que vous abandonniez vos Églises, bien au contraire, nous voulons que vous contribuier à leur développement afin qu'elles avancent et qu’elles évoluent selon les volontés de Dieu.

 

Il y a déjà eu 53051 visiteurs (100281 hits) Ici!
Ce site web a été créé gratuitement avec Ma-page.fr. Tu veux aussi ton propre site web ?
S'inscrire gratuitement