‘ Les Gitans, éternels pélerins sur les routes du monde ‘
C'est en ces termes que le Pape Paul VI accueillit en 1965, les Gitans venus de toute l'Europe et au milieu desquels il voulut célébrer son 68 ième Anniversaire. Nul vocable ne saurait mieux leur convenir. Déjà quand, à l'aube du XV~ème siècle, leurs ancêtres arrivèrent en France, ils se présentèrent comme des pénitents, condamnés à errer de par le monde en expiation de leurs péchés. Et, ils montraient, à l'appui de leur dire, des lettres du Pape Martin V. Pendant tout le Moyen-Age, ils demeurèrent fidèles au célèbre Pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle.
De nos jours, plus que jamais, le Pèlerinage si bien adapté à leur nomadisme foncier reste l'acte religieux essentiel des Gitans. Le mauvais accueil qui leur est parfois réservé dans d'autres églises, où ils se sentent étrangers, les incite d'avantage encore à se retrouver entre voyageurs pour prier à leur manière et accomplir quelque voeu. Est-il dans la détresse, a-t-il un des siens malades, le Gitan fait un voeu à un Saint. Si c'est le Pèlerinage des Saintes Maries de la mer, il s'engage à l'accomplir dans de pénibles conditions de pénitence. Et ce voeu est tenu, le péril passé, coûte que coûte.
Qui n'a pas assisté, dans la semaine qui précède les Fêtes aux veillées gitanes dans la vieille église forteresse embrasée de cierges, ne saura jamais rien de la vraie ferveur gitane. La foule arrive, certains soirs, précédée des violons et des guitares. On allume au grand cierge Pascal, une multitude de petits cierges, que chacun fient haut dans sa main. On prie très fort, on clame des invocations, on présente les enfants à bout de bras devant les statues...
Durant le Pèlerinage de Mai, on enseigne le catéchisme dans les caravanes et bien des conversions intérieures se font dans le secret des coeurs. De nombreux Gitans profitent aussi de ce rassemblement familial pour faire baptiser leurs enfants, dans l'église des Saintes Maries de la mer. Si le temps n'est plus où les Gitans, venus par le train ou parfois à pied, passaient la nuit dans la crypte de Sarah, c'est toujours pour 'Leur Patronne' qu'ils viennent dans l'antique sanctuaire camarguais. Certes Marie -Jacobé et Marie Salomé tiennent aussi une place dans leurs coeurs. Ils les acclament lors de la descente des Châsses, et ne manquent pas de hisser jusqu'à leurs statues les enfants qui posent sur elles leurs mains et leurs lèvres. Mais c'est Sarah qui est 'Leur Sainte à eux'.
Chacun ajoute un cierge à la blanche forêt ardente qui répand dans la crypte une chaleur d'étuve. On glisse dans la boite réservée aux intentions, des linges d'enfants, d' humbles bijoux, de naïfs messages. Et puis on habille Sarah de neuf. Quarante, cinquante robes s'amoncellent sur la frêle statue qui grossit de jour en jour, et dont le fin visage pâlit sous les attouchements implorants et fervents.
On connaît la légende de cette barque sans voile ni rames, chassée de Palestine après la mort du Christ, qui accosta le rivage camarguais. À son bord se trouvaient Marie Salomé, mère des apôtres Jean et jacques le Majeur, Marie Jacobé - selon saint jean la sœur de la Vierge , Marie-Madeleine, Lazare et sa sœur Marthe, ainsi que Maximin et Joseph d'Arimathie qui transportait le Saint-Graal. Les avis divergent sur la présence de Sara la Noire à bord. Était-elle leur servante? Était-elle égyptienne? "Sara campait avec sa tribu en pleine forêt de pins parasols, à l'endroit où s'élève aujourd'hui Aigues-Mortes. Avertie miraculeusement elle courut vers la mer et, s'étant dévêtue, elle étendit sur les vagues sa robe qui la porta vers les saintes. Baptisée de leurs mains, elle les conduisit au temple païen où affluaient les grands pèlerinages de sa race." Il est plus vraisemblable que Sara appartenait à une tribu celto-ligure indigène, et fort probable que Marie Salomé et Marie Jacobé, restées pour évangéliser la région, aient transformé l'autel païen en oratoire chrétien.
À leur mort, très vite un culte se répandit avant que la construction de l'église-forteresse au XIIè siècle ne le confirme. Au XIVè siècle, le pèlerinage est déjà très populaire, notamment lorsque la célébration des saintes est fixée en 1343 au 25 mai pour la première et au 22 octobre pour la seconde.
Il prendra une tout autre ampleur après 1448, quand les fouilles entreprises par le roi René sous l'autel de l'église découvrent les reliques des saintes femmes. Elles furent mises dans des châsses richement ornées et transportées dans la chapelle haute. C'est lui aussi qui fit creuser la crypte où les gitans étaient autorisés à vénérer Sara, leur patronne. Depuis cette époque, chaque 24 mai après-midi est consacré à la descente des reliques, lors d'une cérémonie chantée.