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L'Oeuvre des Enfants de la Grand-Route
Il est impossible de passer sous silence le scandale provoqué par l’Oeuvre des Enfants de la Grand-Route. C'est pour répondre au voeu des autorités fédérales et cantonales que la Fondation “Pro Juventute” a créé, en 1926, l'Oeuvre des Enfants de la Grand-Route. Le but déclaré de cette oeuvre était d'enlever des enfants Yéniches à leurs parents, pour les “implanter dans un milieu favorable du point de vue éducatif”, c'est-à-dire, de placer l'enfant dans des familles d'accueil sédentaires.
La Fondation “Pro Juventute” a enlevé environ 600 enfants. De plus, certaines autorités de Suisse centrale ainsi que d'autres organisations telles que le "Seraphische Liebeswerk" (basé à Soleure) ont aussi enlevés plus de 500 enfants. En tout, plus de 1'100 enfants tsiganes ont été enlevés, la grande majorité de ces enfants étaient yéniches, quelques-uns étaient manouches. Mais le nombre des enfants yéniches enlevés serait encore plus élevé, si on prend en compte les cas non recensés, on peut estimer que plus de 2’000 enfants yéniches ont été enlevés. Dès le 19ème siècle, des enfants yéniches ont été enlevés à leurs parents (qu’ils soient sédentaires ou nomades) et confiés à des associations caritatives. Des organisation privées, comme le Seraphische Liebeswerk, s’étaient engagées pour la lutte contre le mode de vie nomade. Le Seraphische Liebeswerk a commencé à enlever des enfants yéniches dès 1860. Le Seraphische Liebeswerk, ainsi que d’autres organisations n’ont jamais mis leurs dossiers à disposition pour consultation. Sans accès aux dossiers correspondant, on ne peut pas savoir combien d’enfants yéniches ont été enlevés. De plus, il faut aussi prendre en compte que des instances cantonales et communales ont aussi enlevé des enfants yéniches sans avoir passé par des organisations caritatives.
En réalité, la plupart des enfants dérobés à leurs parents “de race nomade”, grandissaient dans des homes, des établissements psychiatriques, des maisons de correction, des pénitenciers. Plus d’un quart des enfants ont été déclarés criminels et placés en établissement fermé. Ils étaient aussi placés chez des familles paysannes où ils servaient de main d’oeuvre bon marché. Les parents ont souvent aussi été internés ou stérilisés de force, surtout s’ils cherchaient à récupérer leurs enfants ou s’ils étaient victimes de très graves problèmes psychologiques, suite à l’enlèvement.
Dans certains établissements, les enfants et les parents ont parfois été utilisés comme cobayes pour la médecine.
Lorsque les Yéniches suisses ont commencé à se rendre compte qu'une campagne systématique d'enlèvement d'enfants avaient été lancées contre eux, beaucoup ont tenté d'empêcher la dissolution de leur famille en abandonnant leur mode de vie traditionnel et en s'adaptant aux normes des sédentaires. Cependant, cette solution s'est souvent révélée trompeuse: dans des situations d'urgence qui ne pouvaient être évitées par de telles tentatives de changement culturel, des enfants yéniches ont même été enlevés à des familles yéniches sédentaires.
Afin de pouvoir identifer, lister et retrouver les familles yéniches, des arbres généalogiques ont été établis sur la base des données que les églises et l’état collectaient.
La formation scolaire reçue par la plupart de ces enfants a été rudimentaire, voire inexistante. Plus de 80 pour cent d’entre eux n’ont pas pu choisir de métier, obligés de travailler pour un petit salaire.
L'Oeuvre a réparti les enfants enlevés de la manière la plus décentralisée possible. Les enfants qui ont été enlevés au Tessin ont été placés dans des institutions argoviennes, les enfants des Grisons chez des agriculteurs à Schaffhouse ou Soleure. L'Oeuvre utilisait le système des enfants placés et les institutions étatiques de différents cantons ainsi que les institutions du système social catholique, par exemple les orphelinats des sœurs de Menzingen et de Ingenbohl, les foyers et réseaux d'accueil des Seraphische Liebeswerke de Lucerne et de Soleure, ainsi que les foyers pour filles de la Congrégation Notre-Dame de l'amour du Bon Pasteur. Alfred Siegfried a même caché des filles yéniches de nationalité suisse dans le foyer pour Filles du Bon-Pasteur de Strasbourg, c'est-à-dire à l'étranger.
Ce programme a été suspendu en 1973, sa révélation par la presse ayant suscité un vaste scandale. La Fondation “Pro Juventute” s'est distancée de ces pratiques, en s'excusant auprès des Tsiganes pour les injustices commises et un fond d'entraide et de dédommagements a été créé afin de permettre, au moins, une réparation sous forme d’argent.
Après 1973, les enfants n’ont pas été rendus à leurs familles et des enfants furent sous tutelle jusque dans les année 90. Certains adultes, traumatisés par ce programme vivent toujours encore sous tutelle dans des établissements.
La Confédération helvétique n'a toujours pas reconnu le génocide culturel / l'ethnocide qui a été perpétré contre les Tsiganes suisses. Pourtant, L’Oeuvre des enfants de la Grand-Route bafouait à tel point les droits humains que les experts qualifient son action de génocide. Le génocide est une dénomination officielle de la Convention de l’ONU pour la prévention et la répression du crime de génocide. Dans son article 2, elle inclut le transfert forcé d’enfants d’un groupe national ou ethnique à un autre groupe. D’autre part, l’œuvre de Pro Juventute affirmait elle-même que l’une de ses tâches était d’abaisser le taux de naissance chez les Yéniches par une limitation des mariages, des stérilisations et des internements. Ces exactions sont également assimilables à un génocide.
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